L’Autorité du bassin du Niger enfin décidée à prendre en main son destin à Cotonou
« Source de vie et d’espoir », le bassin du Niger, 4ème plus grand bassin fluvial d’Afrique après ceux du Nil, du lac Congo et du lac Tchad, risque cependant « si l’on n’y prend garde de devenir source de désolation et même de mort » face « aux effets néfastes combinés des pressions entropiques et du changement climatique ». Bien évidemment partagé par tous les acteurs sectoriels, c’était là du moins la juste remarque du Directeur de cabinet, Agnidé Emmanuel Lawin représentant le Ministre de l’eau et des mines Samou Séidou Adambi à la cérémonie officielle de lancement des travaux de l’atelier national de concertation sur l’opérationnalisation du Fonds régional d’adaptation au changement climatique et du mécanisme de paiement pour les services environnementaux (Fracc/Pse) tenu à Cotonou du 30 janvier au 03 février dernier à l’hôtel Sun Beach.
Par Razack ABDOU
Aussi, « mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre des schémas d’aménagement et de gestion du bassin, traduction de la vision partagée voulue par les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Autorité telle qu’annoncée en 2005 par la session extraordinaire du Conseil des ministres à l’horizon de 2025 et au-delà, impose-il le développement, la mise en place et l’opérationnalisation d’initiatives, outils, méthodes et mécanismes de financements innovants et durables permettant d’accélérer et de renforcer l’efficacité et l’efficience du financement de la politique du développement de la région en général, de même que l’atteinte des objectifs des projets intégrés qui la traduisent », résume brillamment Bireme Hamid Abderahim, Secrétaire exécutif de l’Autorité du bassin du Niger (Abn), tout l’enjeu de cette rencontre nationale de haut niveau dont à terme le texte consensuel entre les neuf pays membres de l’Autorité sera une priorité dans l’agenda, courant septembre-octobre prochain, du sommet des Chefs d’Etat de l’Afrique.
Fruit de la proactivité du sous-comité national présidé par Adamou Worou Wara en qualité de Coordonnateur du Programme intégré de développement d’adaptation au changement climatique dans le bassin du Niger (Pidacc/Bn) et par ailleurs Vice-président du Comité Adhoc décidé en octobre 2019 à Conakry par la 38ème session du Conseil des Ministres de l’Autorité du Bassin du Niger (Abn) et que préside l’ancienne ministre béninoise de l’eau Christine Gbédji Viaho, la rencontre de Cotonou est en réalité la 3ème d’une série marathonienne programmée en itinérance pour ce début 2023 également au Niger, Burkina, Cameroun, Nigéria, Mali, Cote d’ivoire, Guinée et Tchad.
Mais, au-delà de l’urgence manifeste, à l’unanimité mondialement admise, de pallier à la dégradation continue de l’écosystème naturel du bassin, ces plaidoyers, consultations et concertations nationales en cours pour la mise en place et l’opérationnalisation du Fracc et du mécanisme de Paiement pour services environnementaux (Pse) confirment, plus que tout, une prise de conscience au sommet des pays membres imputable à la e décision n°2 du 11ème sommet des Chefs d’Etat à Cotonou le 8 janvier 2016, élargi au financement du fonds opérationnel du bassin du Niger. Celle de s’affranchir dorénavant de l’insupportable chemin de croix lié à une raréfaction notoire des financements provenant des partenaires techniques et financiers en sus de la faiblesse de la contribution des pays parties-prenantes pour, enfin, se doter d’un Fonds régional endogène. Ceci, avec l’ambition non négociable «… de constituer un levier de financement pour le recrutement et l’internalisation d’expertises techniques qui pourraient notamment renforcer les équipes, fidéliser les meilleurs profils, améliorer la coordination des projets et assurer une assise financière crédible, durable, indépendantes et disponibles pour les actions d’adaptation au changement climatique ; tout en approfondissant les mécanismes inclusifs d’opérationnalisation » de ces outils de coopération régionale, motive avec foi M. Agnidé Emmanuel Lawin qui poursuivra en ces termes : «…les études commanditéEs ont heureusement démontré à satisfaction que le Fracc/Pse pourraient s’alimenter de différentes sources de financement dont un système de paiement pour services environnementaux qui permettraient de soutenir l’accroissement du portefeuille des activités de l’Abn ». », Pour s part, Séni Séidou, Coordonnateur régional du Programme intégré de développement d’adaptation au changement climatique dans le bassin du Nigeer, basé au Secrétariat excutif ABN et en charge de la coordination synergique de la mise en œuvre du programme dans les neufs pays assure : « Nous avons compris après plusieurs décennies que la générosité des bailleurs commençait à s’user et aussi, d’après les simulations, qu’avec seulement 2% prélevés sur les fonds nationaux de l’eau dans chaque pays, on aura assez d’argent pour réinvestir pour le bon fonctionnement du bassin, des activités agrosylvopastorales etc. »
Ayant donc engagé depuis décembre 2022 les concertations nationales par catégorie d’acteurs en vue de recueillir des recommandations que l’atelier du jour mit cohérence, le sous-comité Adhoc national, par la voix de son président Adamou Worou Wara s’est alors montré assez fier de n’avoir commercer aucun effort pour traduire dans les faits cette volonté mutuelle régionale en partage pour « la valorisation de ce patrimoine commun qui est, au demeurant, au cœur du Programme d’actions du Gouvernement de Patrice Talon et que le leadership du ministre Adambi se fait le devoir républicain de placer à la tête des priorités de son agenda sectoriel ». En lien donc avec l’identification des possibles sources de financement du Fracc/Pse, il détaille : « …les irrigants, les pêcheurs etc. sont déjà organisés à dessein en associations et prennent une part active à cet atelier. Pareil, la contribution des GSM est aussi une piste des possibilités qui s’offrent à nous. Et, c’est sans parler de la contribution solidaire qu’il est souhaitable plus consistante des pays qui à l’instar du Nigeria par exemple exploitent des ouvrages hydroélectriques dans le bassin. D’ailleurs, ce n’est pas anodin si le Conseil des ministres du gouvernement de la rupture, au pas de charge, œuvre désormais inlassablement à la mise en place du Fonds national de l’eau (Fn-Eau) ».
Si, effectivement, le Fracc/Pse s’avère un mécanisme fiable, durable et parfaitement adapté aux financement des besoins de fiancement à l’intérieur du bassin selon le Secrétaire exécutif de l’Autorité, la présidente du Comité Adhoc Christine Gbédji Viaho, elle, n’y va pas par quatre chemins : « les sources de financement de ce Fonds régional endogène seront basées sur les principes de la gestion intégrée des ressources en eau (Gire) : préleveur-payeur, bénéficiaire-payeur, utilisateur-payeur et pollueur-payeur. Donc, les contributions proviendraient également de l’alimentation en eau potable des consommateurs industriels, de l’hydroélectricité, l’agroindustrie, de l’irrigation etc. ».
Aussi, se rappelle-t-elle de son plaidoyer pour le renforcement du plan de financement de la résilience de l’écosystème et des populations riveraines au changement climatique dans le bassin du Niger en marge des sessions annuelles du Fonds mondial international (Fmi) et de la Banque Mondiale (Bm) à Lima au Pérou le 7 octobre 2015 et dont les partenaires au développement allant de l’AFD, KW à la Banque africaine de développement (Bad) se sont empressés de s’approprier le plan alors évalué à 3,76 milliards dollars us pour 246 projets ! « C’est dire, conclut-elle, que Fracc/pse ambitionne d’être une source endogène au regard du financement des activités de préservation des ressources naturelles pour assurer la viabilité et la pérennisation des activités socioéconomiques des usagers des ressources naturelles du bassin ». Toute chose venant conforter l’autre enjeu et défi de l’atelier national de Cotonou qui exhorte par ailleurs à, aux dire de M. Adamou Worou Wara, « …réfléchir également sur les futurs programmes éligibles au Fonds ».
Ce fut, en tous cas, après avoir longuement insisté sur les crises alimentaires, les dramatiques inondations et les fâcheuses sécheresses dans le bassin du Niger malgré d’importants investissements actuellement portés par les Partenaires techniques et financiers dont le Pidacc/Bn est la parfaite illustration pour «renforcer la résilience des populations, des ressources et des écosystèmes et l’amélioration de la coordination régionale au niveau du bassin » que le Directeur de cabinet du Ministre de l’eau et des mines exhorta au succès des travaux : un exercice hautement stratégique et un passionnant challenge dont peut déjà se féliciter une Afrique décidé à prendre désormais sans complexe son destin en main.